lundi 28 novembre 2016

Histoire noire



« Il s’était levé brusquement, excédé, à trois heures du matin, s’était rhabillé, avait failli sortir sans cravate, en pantoufles, le col du pardessus relevé, comme certaines gens qui promènent leur chien le soir ou le matin de bonne heure. Puis, une fois dans la cour de cette maison qu'il ne parvenait pas, après deux mois, à considérer comme une vraie maison, il s'était aperçu, en levant machinalement la tête, qu'il avait oublié d'éteindre sa lumière, mais il n'avait pas eu le courage de remonter. »


Pourquoi ces craintes l’envahissaient-t-elles ?  N’était-il pas à l’abri, protégé par les forces de l’ordre, caché dans l’anonymat de cette petite ville normande ? 
Il pouvait entendre le bruit de la pluie tomber sur le toit, le miaulement désespéré d’un chat fouillant dans les ordures dehors, le tintement de la lampe allumée dans sa chambre… tout le perturbait. Paranoïa, délire, hallucination. 
Deux mois déjà dans cet endroit oublié, abandonné de Dieu, deux mois enfermé dans cette maison hantée, et encore une semaine avant le procès. La vie d’un témoin protégé était insupportable !
Il n’avait pas aimé l’offre proposée par le gros bougon d’inspecteur. Ou c’était un commissaire ? Peu importe, l’homme avec la pipe… Témoin, lui ? Mais qu’est-ce qu’il aurait dû faire ? Il s’agissait de son atelier qui avait été démantelé. Le peu de dignité qui lui restait dedans avait affleuré pendant l’identification. Il avait reconnu un des assaillants du braquage. Les deux autres s'étaient échappés.
C’est ça qui le troublait.  

Encore quelques heures avant l’aube. Pas envie de monter les escaliers, pas de courage vraiment. Le canapé, ça irait.
La radio cassait le silence dans la voiture de police qui montait la garde dehors. L’officier aimait le rock du Sud. D’âge mûr, visage pessimiste, on aurait dit un personnage de Camus, il tapotait mélancoliquement le volant pendant qu’il comptait les heures pour retourner chez lui et jouer avec Elvis, son petit chihuahua. Sa méditation était si profonde qu’il n’aperçut pas la vieille fourgonnette qui s’approchait sur la rue, derrière lui, phares éteints. Elle s’arrêta à quelques mètres. 
Avant de sortir, Charli ajouta le silencieux au bout du canon. Plus de témoins, pas cette fois. Il marcha rapidement jusqu’à la voiture, toqua deux fois à la fenêtre, et dès que le flic tourna le visage, il lui tira trois balles en pleine tête. Au même instant, Abdel sortit de la fourgonnette avec un maillet deux fois sa taille, dirigé vers la porte d’entrée. La racaille n’allait pas s’échapper.  
Il se réveilla soudain avec le son de la fusillade. Transpirant, respiration saccadée, et peur, surtout peur. Le premier coup de marteau fit trembler tous les murs de la maison. La miction arriva avec le deuxième. Il resta gelé, immobile. C’est ça la peur, la vraie peur. On ne contrôle pas notre corps, on ne peut pas agir. 
Il ne pouvait pas contenir les larmes qui emplissaient ses yeux. La porte céda. Charli avança, avec décision, vers lui. Il le regarda, pointa le canon vers sa tête, et tira. 
Abdel l’aida avec le corps. Ils ouvrirent la porte arrière de la furgo, et jetèrent le cadavre.

« -Adieu, petit tailleur…

Et ils fermèrent les portes à clef en s’en allant. »

Pablo Palomar Munoz (LFRAN1401, objectif B2)

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