Ecrit par Zehra Lebrun (Turquie, cours LFRAN1401, objectif B2)
Il s’était levé brusquement, excédé, à trois heures du matin, s’était rhabillé, avait failli sortir sans cravate, en pantoufles, le col du pardessus relevé, comme certains gens qui promènent leur chien le soir ou le matin de bonne heure. Puis, une fois dans la cour de cette maison qu'il ne parvenait pas, après deux mois, à considérer comme une vraie maison, il s'était aperçu, en levant machinalement la tête, qu'il avait oublié d'éteindre sa lumière, mais il n'avait pas eu le courage de remonter. (Georges Simenon, premières lignes de Trois chambres à Manhattan)
C’était une année difficile
pour lui ; il avait déménagé dans un nouveau pays, ou il y n’avait pas
assez de lumière pour son métier. Il pleuvait toujours dans cette ville comme
durant un automne qui ne finissait jamais. Une défiance épaisse, une ambiance
décourageante. Ses clients dans ce pays
lui demandaient toujours les mêmes choses, un trench-coat, un pardessus ou
une veste, toujours en noir.
Il avait déménagé avec son épouse,
pour donner une deuxième chance à leur mariage. Elle se plaignait toujours qu’il
ne lui montrait pas assez d’attention comme il travaillait beaucoup. Elle était
jalouse de ses clients. La dernière fois qu’elle avait vu une belle cliente
dans son magasin, à demi nue, elle avait perdu son sang-froid, avait crié sur
la jeune femme. Quel dommage qu’il ait choisi cette vie pour lui-même.
Et Nadine... La belle rose du quartier… La seule
couleur de ce pays.. L’arc-en-ciel de sa vie.. Elle demandait toujours des vêtements
différents ; elle a commencé avec une jupe rose, après une veste violette.
C’était son seul plaisir d’utiliser tous les teintes pour elle. Avec elle, il se
sentait bien.
Mais lors de sa dernière
commande, il ne l’a pas comprise. Elle a demandé une veste noire.. Une veste
noire.. Comme tous les autres qui n’appréciaient pas son boulot. Comme un
mouton dans le troupeau.
Il a essayé pourtant…
- Ma chère Nadine, j’ai un
tissu très vivant pour vous. Il va être très chic pour une veste.
- Non, je voudrais une
veste noire cette fois..
Catastrophe.. Son monde
fragile s’écroulait.. Soudain tout
a perdu son sens. Ce n’était pas normal. Il devait y avoir un problème.
Il a réessayé :
- Mais, ma belle Nadine, tu es très belle avec
de la couleur.
- Non, Gérard, cette fois, je voudrais une
veste noire..
Il pouvait voir qu’elle
était déjà demi-nue, attendait pour que son amour de tailleur lui prenne les
mesures. Mais non, il avait déjà décidé qu’il n’allait pas changer. Il a pris
les ciseaux et... Il ne pouvait plus se souvenir... Tout était rouge, tout était
beau.
Le tailleur (Giovanni Battista)
Mais il n’était pas seul
dans la maison. Il a vu sa femme avec une veste violette, celle de Nadine, dans une
main et un pistolet dans l’autre.
- Tu as volé les couleurs de ma vie et tu les a
données aux autres femmes..
Et elle tira… Une fois pour
Gérard, et une fois pour elle-même…
Finalement, c’était un cas très
clair pour Maigret et G.7. Trois victimes ; le tailleur et sa femme ont
été trouvés assassinés avec un pistolet et la troisième victime avait été égorgée avec des
ciseaux. ‘Quelle violence’, pensaient-ils. Ils étaient curieux de savoir ce que
Nadine pouvait avoir fait pour appeler
cette violence. Ils ont mis leur chapeau, leurs
gants et leur pardessus. Il pleuvait toujours…
.- Adieu, petit tailleur...Et ils fermèrent les portes à clef en s'en allant (Georges Simenon, dernière lignes de Trois chambres à Manhattan)
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