mardi 8 mai 2018

Héros d’ici et d’ailleurs : Herta Müller


Herta Müller, née le 17 août 1953 dans le département de Timisoara au sein de la petite communauté des Souabes, est l´un des plus importants écrivains d´origine roumaine, ayant reçu le Prix Nobel de la littérature en 2009 pour l'ensemble de son œuvre « qui, avec la concentration de la poésie et l'objectivité de la prose, dépeint les paysages de l'abandon ». Habitant en Roumanie jusqu’à sa fuite en République fédérale d'Allemagne en 1987, elle s’était déjà faite remarquer pour sa critique prononcée vis-à-vis du régime dictatorial de Ceaușescu. Actuellement, ses livres toujours écrits en allemand et en roumain, sont une preuve importante de résistance contre l’injustice dans toutes ces formes.

Dès mon enfance, j’ai été particulièrement touchée par la dure réalité dans laquelle on vivait tous dans la Roumanie totalitaire. Bien que la situation ait changé pour mes compatriotes, il existe encore beaucoup de pays où la situation est pire que celle que j’ai vécue : le manque de liberté, l’oppression et l’abandon de tout espoir caractérisent une nouvelle fois une facette de notre terre.
Tout d’abord, on ne se rend compte de ce qu’un régime totalitaire signifie que si on l’a vécu nous-mêmes. J’ai vu au tout début de ma carrière mes livres censurés. Jour après jour, on me coupait une autre page et on me disait qu’il fallait que je renonce. En dépit de toute pression, je ne me suis jamais arrêtée et maintenant, par tout ce que j’ai fait, je suis certaine que la réinstallation de la démocratie en Roumanie est aussi le résultat de mon travail. En restant fidèle à l’idée que toute situation, si mauvaise qu’elle soit, peut changer, je lutte actuellement pour que l’avenir soit souriant. Imaginez-vous si je n’avais rien fait ; auriez-vous pu vivre cette situation ? Probablement votre réponse est négative et, donc, il est a fortiori obligatoire que vous vous impliquiez davantage.
De surcroît, si un discours trop général ne vous persuade pas, il faut que je vous présente un fait particulier : en Allemagne, mon nouveau pays d’accueil, lors des dernières élections, le parti d’extrême-droite a reçu 12,6 % des voix. Si cette information ne vous suffit pas pour que vous compreniez la fragilité de l’équilibre de notre société actuelle, je ne peux vraiment plus rien dire. Maintenant, je vous écris ce petit texte depuis mon ordinateur en croyant que je pourrais le faire aussi demain. Mais qui sait ce que l’avenir nous réserve… Si on ne s’engage pas et si on ne résiste pas à tout ce qui nous menace c’est assez possible que le fragile équilibre dans lequel on vit ne soit qu’une utopie momentanée.
En dernier lieu, je dois vous avouer que ces derniers jours j’ai consulté le classement mondial de la liberté de la presse fait par la fameuse organisation "Reporters sans frontières". J’ai été choquée de saisir une si lente évolution dans un monde où l’on dit assez fréquemment qu’on se bat pour que la presse soit libre. A grande échelle, presque rien n’a changé depuis la fin de la guerre froide. Et seule, je ne peux pas faire grande chose, mais ensemble je suis sûre qu’on peut vraiment y arriver. Si nous luttons tous pour défendre la presse, il est impossible que la situation ne change pas.
Pour conclure, je vous invite vraiment à réfléchir et à prendre la parole dans l’espoir que tout ce qu’on a obtenu aujourd’hui n’est que le premier pas dans le processus d’éloignement de notre passé autoritaire qui nous "bascule du souffle"[1]… Le changement nous appartient !
Ioan Suhov (cours LFRAN 1401, B2)
Droits d’auteur de l’image : By Houty [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], from Wikimedia Commons




[1] Un de ses livres les plus connus traduits en français.

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