Herta Müller,
née le 17 août 1953 dans le département de Timisoara au sein de la petite
communauté des Souabes, est l´un des plus importants écrivains d´origine
roumaine, ayant reçu le Prix Nobel de la littérature en 2009 pour l'ensemble de
son œuvre « qui, avec la concentration de la poésie et l'objectivité de la
prose, dépeint les paysages de l'abandon ». Habitant en Roumanie jusqu’à sa
fuite en République fédérale d'Allemagne en 1987, elle s’était déjà
faite remarquer pour sa critique prononcée vis-à-vis du régime dictatorial de
Ceaușescu. Actuellement, ses livres toujours écrits en allemand et en roumain,
sont une preuve importante de résistance contre l’injustice dans toutes ces
formes.
Dès mon enfance, j’ai été particulièrement touchée par
la dure réalité dans laquelle on vivait tous dans la Roumanie totalitaire. Bien
que la situation ait changé pour mes compatriotes, il existe encore beaucoup de
pays où la situation est pire que celle que j’ai vécue : le manque de
liberté, l’oppression et l’abandon de tout espoir caractérisent une nouvelle
fois une facette de notre terre.
Tout d’abord, on ne se rend compte de ce qu’un régime
totalitaire signifie que si on l’a vécu nous-mêmes. J’ai vu au tout début de ma
carrière mes livres censurés. Jour après jour, on me coupait une autre page et
on me disait qu’il fallait que je renonce. En dépit de toute pression, je
ne me suis jamais arrêtée et maintenant, par tout ce que j’ai fait, je suis
certaine que la réinstallation de la démocratie en Roumanie est aussi le
résultat de mon travail. En restant fidèle à l’idée que toute situation,
si mauvaise qu’elle soit, peut changer, je lutte actuellement pour que l’avenir
soit souriant. Imaginez-vous si je n’avais rien fait ; auriez-vous pu
vivre cette situation ? Probablement votre réponse est négative et, donc,
il est a fortiori obligatoire que vous vous impliquiez davantage.
De surcroît, si un
discours trop général ne vous persuade pas, il faut que je vous présente un fait particulier :
en Allemagne, mon nouveau pays d’accueil, lors des dernières élections, le
parti d’extrême-droite a reçu 12,6 % des voix. Si cette information ne vous suffit
pas pour que vous compreniez la fragilité de l’équilibre de notre société
actuelle, je ne peux vraiment plus rien dire. Maintenant, je vous écris ce
petit texte depuis mon ordinateur en croyant que je pourrais le faire aussi
demain. Mais qui sait ce que l’avenir nous réserve… Si on ne s’engage pas et si
on ne résiste pas à tout ce qui nous menace c’est assez possible que le
fragile équilibre dans lequel on vit ne soit qu’une utopie momentanée.
En dernier lieu, je dois vous avouer que ces derniers
jours j’ai consulté le classement mondial de la liberté de la presse fait par
la fameuse organisation "Reporters sans frontières". J’ai été
choquée de saisir une si lente évolution dans un monde où l’on dit assez
fréquemment qu’on se bat pour que la presse soit libre. A grande échelle,
presque rien n’a changé depuis la fin de la guerre froide. Et seule, je ne
peux pas faire grande chose, mais ensemble je suis sûre qu’on peut vraiment y
arriver. Si nous luttons tous pour défendre la presse, il est impossible que la
situation ne change pas.
Pour conclure, je vous invite vraiment à réfléchir et à
prendre la parole dans l’espoir que tout ce qu’on a obtenu aujourd’hui n’est que
le premier pas dans le processus d’éloignement de notre passé autoritaire qui
nous "bascule du souffle"[1]…
Le changement nous appartient !
Ioan Suhov (cours LFRAN 1401, B2)
Droits d’auteur de l’image : By Houty [CC BY-SA 4.0
(https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], from Wikimedia Commons
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